La journée mondiale de la femme est l’occasion d’aborder la question des violences basées sur le genre, alors même que selon les estimations de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), 35% des femmes dans le monde ont subi des violences physiques et/ou sexuelles au cours de leur vie. Si le mouvement #MeToo a permis une certaine prise de conscience collective au sujet des violences sexistes et sexuelles dans certains pays, ce n’est pas le cas partout. Lorsqu’aucun système de soutien n’existe pour les survivantes de violence ou que les victimes sont désignées comme coupables, l’impunité règne.
En Haïti, alors qu’elles représentent près de 52% de la population (PNUD), les femmes restent bien trop souvent reléguées au second plan des affaires sociales, politiques et économiques, et 24,9% d’entre elles (âgées de 15 à 49 ans) déclarent avoir subi une forme de violence physique ou sexuelle au cours de leur vie par leur mari ou partenaire (PNUD).
En particulier, certaines femmes font face à une domination de leurs maris/partenaires – ce qui les expose directement à des violences physiques, sexuelles et psychologiques. Mais les femmes ne sont pas les seules exposées : de nombreuses filles mineures sont placées au sein de familles en tant qu’enfant travailleuse domestique, isolées et en proie à des violences potentielles.
Face à ce constat, le consortium d’organisations mené par ACTED et composé des organisations non-gouvernementales AVSI, la Fondation Maurice A. Sixto et Entrepreneurs du Monde, s’est engagé dans un projet de « Lutte contre le Travail Domestique des Enfants » depuis Avril 2018. Un volet de protection des filles et des femmes a par ailleurs été intégré au projet, soutenu par l’UNICEF. Dans huit communes du département du Sud, les cas de violence sexuelle, physique ou psychologique sont pris en charge, avec comme priorité la mise en confiance des survivantes et une prise en charge médicale.
Lorsqu’il s’agit de viol, en particulier, les survivantes sont extrêmement fragiles. Il est essentiel que les personnes qui les prennent en charge n’adoptent pas une attitude moralisatrice, qui est en soit traumatisante.
Dans un deuxième temps, un soutien psychologique et social est apporté, et les survivantes qui souhaitent porter plainte sont aiguillées vers les institutions compétentes (Ministère de la Condition Féminine, Brigade de Protection des Mineurs). Pour l’un des cas récents identifiés par les équipes du projet, une prise en charge de 15 jours a été nécessaire à l’hôpital. La survivante est aujourd’hui suivie par une travailleuse sociale et reçoit un soutien psychologique. L’auteur des faits a d’ailleurs été arrêté. « C’était très important pour la communauté que la personne soit arrêtée, afin d’éviter qu’il n’y ait d’autres victimes. », ajoute Maille Laure.
De fait, des sensibilisations avaient eu lieu au sein de la communauté de la patiente, dans les écoles, et des Comités de Protection avaient été créés dans le cadre du projet. Les Comités sont aujourd’hui très actifs, et ont réagi rapidement suivant l’agression en conseillant à la famille d’aller à l’hôpital. À l’aide du certificat médical obtenu, un suivi a été fait avec la police et le Ministère de la Condition Féminine de l’État Haïtien – ce qui a permis, quelques jours après les faits, l’arrestation de l’agresseur.
L’éducation des communautés est extrêmement importante. Les séances de sensibilisation permettent de remettre en cause des idées reçues, et d’expliquer comment les survivantes doivent être prises en charge. Dans certaines communes, la communauté dans son ensemble est maintenant actrice de la protection des filles et des femmes.
En Haïti, dû en partie à de grandes difficultés économiques, il n’est pas rare que des enfants soient envoyés dans d’autres familles en tant que travailleurs domestiques : l’absence de perspectives d’avenir peut pousser les familles à placer leurs enfants, contre la promesse d’un d’accès à l’éducation, aux soins et aux loisirs au sein du ménage d’accueil. Dans ces situations, les cas de maltraitance physique sont loin d’être rares, mais ce n’est pas le seul danger présent. Les risques d’agression sexuelle ou de viol sont aussi démultipliés.
Plusieurs survivantes de violences sexuelles prises en charge dans le cadre du projet étaient des enfants. L’une d’entre elle a été victime de viol lorsqu’elle était en domesticité, et est maintenant enceinte. Suite à des recherches, les parents d’origine – qui n’avaient pas conscience de ce que subissait l’enfant – ont pu être retrouvés, et la famille a été réunifiée. Le ménage est désormais soutenu sur le plan psycho-social et économique via les transferts monétaires mis en place par ACTED. Les partenaires ont bon espoir que la jeune fille retrouve une vie sans violence.
Afin d’identifier ces cas de domesticité et de sensibiliser la population aux droits de l’enfant, des jeux et activités de sensibilisations sont organisés dans les écoles et communes.
« Certains enfants réalisent pendant les formations qu’une situation n’est pas normale, et témoignent ou demande de l’aide. » Raconte l’équipe de la Fondation Maurice A. Sixto, spécialisée dans la protection des droits Humains. « Les interventions poussent les enfants à remettre en question les idées reçues, à questionner ce qu’ils connaissent et vivent chez eux, à l’école, etc. »
L’absence prolongée d’un enfant à l’école ou la non-participation aux jeux organisés dans la commune permettent aussi aux équipes du projet d’identifier des cas.
Les sensibilisations et pièces de théâtre présentées par la Fondation Maurice A. Sixto suscitent beaucoup de débats au sein des communautés. Les parents sont informés par leurs enfants, ou participent eux-mêmes aux discussions dans les marchés. Même si certains membres des communautés réagissent négativement à la remise en question des pratiques de domesticité, un changement de mentalité a été observé au sein des communautés ciblées – ce qui a déjà permis la réunification de 110 enfants avec leurs familles.