Tchad Acted

Tchad : nouvelle rentrée des classes pour les enfants déplacés dans la province du Lac Tchad

Pour la troisième année consécutive, plus d’un millier d’enfants déplacés dans le département du Fouli au Tchad ont pu faire leur rentrée scolaire dans l’une des écoles mises en place par l’ONG Acted. Depuis 2021, ce projet a permis la scolarisation de plus de 3 000 élèves parmi lesquels une majorité de jeunes filles.

Le département du Fouli est une zone reculée de la province du Lac Tchad. En 2015, l’arrivée d’un groupe armé dans le secteur a créé des vagues continues de déplacement de populations dans la région. Les populations, fuyant les violences de ce groupe, sont alors contraintes d’abandonner leur activité économique et leurs biens. Elles se retrouvent démunies et exposées à la faim et au manque d’accès aux services de base comme l’eau, hygiène et l’assainissement.

Les enfants, eux, voient leurs cursus scolaires interrompus, alors que les services gouvernementaux de la zone peinent déjà à couvrir l’ensemble des besoins en éducation. Enfin, certaines normes culturelles tendent à limiter la scolarisation des jeunes filles au Tchad. Cette tendance s’observe particulièrement dans le Fouli où le rôle traditionnellement dévolu aux jeunes filles les contraint souvent à rester à la maison pour aider leur mère sur les tâches ménagères. Parfois, elles sont aussi contraintes de se marier à un âge précoce, ce qui a notamment pour conséquence d’interrompre leurs études.

Permettre la scolarisation des enfants exclus du système éducatif

Le projet, débuté en 2021, a permis la mise en place d’infrastructures scolaires au sein de sept sites de déplacés de la province du Lac Tchad. Des points d’eau et des latrines ont également été construits afin de garantir l’accès à l’eau et une bonne hygiène au sein des écoles. Au total, 30 enseignants ont été formés par les autorités locales et Acted pour enseigner dans les écoles construites. Grâce à ce projet, plus de 3 000 enfants ont pu retrouver un cursus scolaire.

Une salle de classe dans l'école du site de personnes déplacées de Magui

C’est le cas de Fatime et Youssouf, tous les deux scolarisés à l’école du site de déplacés de Magui. Fatime et Youssouf ont dû fuir leur village avec leur famille en 2022 en raison d’une attaque du groupe armé. Après un périple de plusieurs jours à pied, ils ont rejoint le site de Magui où ils ont pu rapidement intégrer l’école sur place pour reprendre leur cursus scolaire. A la fin de l’année scolaire 2022-2023, les enfants ont dû passer un examen : Youssouf a fini 1er de sa classe et Fatime 6ème, ce qui leur a permis de passer en classe supérieure.

Respectivement en CM1 et CM2, les élèves ont pu effectuer en octobre 2023 leur seconde rentrée scolaire au sein de l’école. Le programme d’enseignement suit celui défini par le Ministère de l’Education Nationale et comprend notamment des cours de calcul, de lecture, de sciences ou encore de sport. Les enfants bénéficient le midi d’un service de cantine scolaire fourni par le Programme Alimentaire Mondial. Ils apprécient la nourriture qui leur est servie et sont en mesure de manger à leur faim. L’école dispose également de latrines et d’un forage à pompe manuelle construits au cours du projet afin de permettre aux élèves d’étudier dans les meilleures conditions possibles. Ces derniers se sentent en sécurité à l’école, et savent que le corps enseignant est prêt à les soutenir en cas de difficulté.

Plus tard, Fatime souhaiterait devenir médecin et Youssouf enseignant.

 

Les enseignants au cœur du projet scolaire

Keilo Moussa, le directeur de l’école de Magui, est originaire du sud du Tchad et a plus de dix ans d’expérience dans le domaine de l’enseignement. Il a rejoint Acted au début du projet en 2021 et enseigne au sein de l’école de Magui pour la deuxième année consécutive. En amont de chaque année scolaire, il a reçu, avec les autres enseignants du projet, une formation pédagogique d’une semaine dispensée par la délégation provinciale de l’éducation afin de renforcer leurs capacités. Cette formation a par ailleurs été complétée par des sessions portant sur la protection de l’enfance et les premiers secours psychologiques.

Pour moi, ce projet a un impact très positif sur la vie des populations déplacées. On note depuis le début des activités une amélioration visible au sein de la communauté. Maintenant, il y a plus d’individus qui savent lire ou écrire, et tout le monde connaît l’école et sait que c’est important pour l’avenir des enfants.

Keilo Moussa, Directeur de l'école

Selon lui, les enfants ont les capacités nécessaires pour réussir dans l’école : « ils sont très intelligents et motivés. Le taux de réussite des examens était supérieur à 90% l’année passée ».

Keilo Moussa souhaite que le projet perdure et que le plus d’enfants possible puissent bénéficier d’une éducation de qualité.

Un élève est au tableau dans l'une des classes de l'école du site de déplacés de Magui

Je voudrais que notre travail porte ses fruits et que les élèves puissent à leur tour prendre le relais afin de continuer à transmettre la connaissance et aider leur communauté en devenant par exemple enseignants.

Keilo Moussa

Impliquer les parents d’élèves dans l’éducation des enfants

Dans chacune des écoles créées au début du projet, Acted a également formé des Associations de Parents d’Elève (APE) ainsi que des Associations de Mères d’Elève (AME) qui aident les enseignants dans la bonne gestion des écoles. Ces associations sont composées de 18 représentants (neuf femmes et neuf hommes) élus par la communauté. Grâce à ce mécanisme, les parents d’élèves sont impliqués activement dans la scolarisation de leurs enfants. Ainsi, Acted s’assure que les membres de la communauté sont pleinement impliqués dans la réussite du projet et qu’ils ont les clés pour pérenniser les acquis de l’action une fois le programme terminé.

En dehors du temps qu’elle passe à l’école, Houma* membre de l’AME de l’école de Magui, part vendre des fagots sur le marché de Kiskawa qui se situe à neuf kilomètres.

 

Cette activité me permet de dégager des revenus de temps en temps. Avec l’argent généré, j’achète du maïs et du riz pour ma famille. Lorsque les revenus sont bons, j’achète des vêtements et des cahiers pour les enfants.

Houma, membre de l'AME

Houma explique que l’éducation de ses enfants est très importante pour elle et elle cherche autant que possible à ce que ses enfants puissent étudier dans de bonnes conditions.

Le nombre d’enfants dans les sites sachant lire et écrire a fortement augmenté depuis le début du projet, qui entre dans sa troisième année. Cependant, des défis subsistent à ce jour. En effet, le manque de financements pour l’année scolaire 2023-2024 affecte particulièrement le projet. Par exemple, Acted n’est pas en mesure de fournir suffisamment les écoles en matériel scolaire et les parents n’ont souvent pas les moyens d’acheter les fournitures manquantes par eux-mêmes.

Acted souhaite à terme que la communauté puisse reprendre la gestion des écoles avec le soutien des autorités locales compétentes. Cependant, les parents d’élèves manquent de moyens et d’opportunités pour générer suffisamment de revenus et participer à l’entretien les écoles ou à la prise en charge des maîtres communautaires. La reprise des services éducatifs par l’Etat n’est pas à espérer pour les années à venir, et il est donc essentiel de développer les moyens de résilience des populations dans cette région reculée du Tchad afin d’assurer une offre éducative communautaire inclusive et pérenne.

 

*le nom de cette personne a été modifié pour préserver son identité